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Deux détentions provisoires, une même information et des mêmes faits : seulement si…

Pénal - Peines et droit pénitentiaire, Procédure pénale
29/04/2020
La Cour de cassation a affirmé dans un arrêt du 31 mars 2020 qu'aucune disposition légale ou conventionnelle n’interdit de placer à nouveau en détention provisoire la personne mise en examen dans la même information et à raison des mêmes faits si la mise en liberté n’est intervenue qu’en raison de l’annulation de l’interrogatoire de première comparution, le mandat de dépôt s’étant trouvé dépourvu de tout support légal.
Soupçonné de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur la personne de sa mère, un homme est mis en examen et placé en détention provisoire.
 
La chambre de l’instruction prononce, à la demande de la défense de l’intéressé, la nullité de l’interrogatoire de première comparution et des interrogatoires au fond. Motif : l’absence d’enregistrement audiovisuel. Alors, constatant que la mise en examen a été annulée, la chambre ordonne sa mise en liberté, « le titre de détention n’ayant plus de support ».
 
Deux semaines plus tard, l’individu est interpellé au domicile de son amie en exécution d’un mandat d’amener délivré par le juge d’instruction et est à nouveau mis en examen et placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention.
 
Un appel est interjeté. L’arrêt, qui écarte l’exception tirée de la nullité de la nouvelle ordonnance de placement en détention provisoire, relève que le mandat de dépôt initial n’a pas été annulé pour vice de forme mais a cessé de produire ses effets en raison de la mise en liberté décidée par la chambre de l’instruction pour violation des droits de la défense.
 
Les juges précisent également que le juge des libertés et de la détention a retenu l’existence de circonstances nouvelles : l’homme s’est installé au domicile de son amie, seul témoin des faits. Il existe donc un risque de pression. Ils ajoutent que l’intéressé a déjà été condamné pour des violences grave et qu’il n’a pas respecté le contrôle judiciaire mis en place « et que sa personnalité impulsive et son intempérance font craindre un renouvellement de l’infraction ainsi que sa non-représentation en justice ».
 
Le détenu décide de former un pourvoi en cassation. Selon lui, l'arrêt fait une application erronée de la jurisprudence de la Cour de cassation qui prévoit que le juge des libertés et de la détention ne peut ordonner un nouveau placement en détention provisoire, en raison des mêmes faits et dans la même information, en l'absence de circonstances nouvelles entrant dans les prévisions de l’article 144 du Code de procédure pénale et « à défaut de l’annulation du précédent titre de détention pour vice de forme » (Cass. Crim., 9 févr. 2016, n° 15-87095). Et affirme qu’en l’espèce, le fait de s’installer au domicile de sa petite amie, ne constitue pas un fait nouveau puisqu’il a été appréhendé la première fois à ce même domicile.
 
La Cour de cassation juge alors que « si c’est à tort que la chambre de l’instruction a retenu le caractère nouveau d’une des circonstances retenues à l’appui du placement en détention provisoire », à savoir la domicialition de l’intéressé chez son amie,« l’arrêt n’encourt pas pour autant la censure ».
 
En effet, aucune disposition légale ou conventionnelle n’interdit, selon les Hauts magistrats, de placer à nouveau en détention provisoire la personne mise en examen, dans la même information et à raison des mêmes faits, à partir du moment où le mandat de dépôt s’est trouvé dépourvu de tout support légal, conséquence du fait que la mise en liberté n’est intervenue qu’en raison de l’annulation de l’interrogatoire de première comparution.
 
« Par ailleurs, la chambre de l’instruction a justifié sa décision par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 137-3, 143-1 et suivants du Code de procédure pénale » précise la Cour de cassation. Il s’agit notamment des considérations sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence avec surveillance électronique et le motif de la détention.
 
 
Source : Actualités du droit