Retour aux articles

Délit de faux : précisions sur la caractérisation de l’infraction

Pénal - Droit pénal spécial
02/07/2021
Dans un arrêt du 16 juin 2021, la Cour de cassation vient préciser les conditions de constitution du délit de faux. Concrètement : un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée, ayant un objet ou pouvant avoir un effet probatoire, peut constituer un faux même s’il n’est pas exigé par la loi ; le délit n’implique pas que le document falsifié crée le droit qu’il atteste et le préjudice causé peut résulter de la nature même de la pièce falsifiée.
Une société foncière porte plainte contre un homme pour tentative d’escroquerie, d’extorsion et de chantage. Il se serait, selon l’enquête préliminaire diligentée, appuyé sur l’association Apure, dont il est le président, pour disposer d’un intérêt à agir dans la contestation de permis de construire délivrés par la ville. Concrètement, il engageait des recours administratifs contre des sociétés immobilières ayant d’importants projets, ce qui entraînait un retard dans leur réalisation. L’association, sans laisser le recours arriver à son terme, proposait une transaction à la société et percevait une somme, qui demeurait dérisoire à l’échelle du projet immobilier, en contrepartie de laquelle elle se désistait de son recours. Lui, prétendait lutter contre les fraudes commises par les sociétés immobilières consistant à minorer les déclarations de surfaces soumises à la redevance.
 
Déclaré coupable et condamné sur les intérêts civils, l’intéressé interjette appel.
 
La cour confirme sa culpabilité, en énonçant que certains procès-verbaux de tenue d’assemblée générale et de réunion du conseil d’administration de l’association Apure ne correspondent pas à la réalité factuelle. L’association « n’a pas fonctionné selon les exigences légales ni statutaires ». Pour les juges du second degré, un procès-verbal de réunion d’un organe délibérant d’une association constitue un écrit, donnant à l’association Apure « l’apparence trompeuse d’un fonctionnement conforme aux dispositions légales et statutaires, et ayant pour objet l’établissement de la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques ». Certains, argués de faux, portent mention d’une autorisation à ester en justice donnée à son président et ont été joints aux requêtes introductives d’instance. S’agissant du préjudice, la cour note qu’il est nécessairement attaché à la falsification de tels procès-verbaux de réunion d’assemblée générale et du conseil d’administration d’une association qui met en cause la validité des décisions apparemment prises et permet de contester la régularité et les pouvoirs des organes de la personne morale.
 
Le prévenu forme un pourvoi en cassation. En vain. La Cour de cassation rejette son pourvoi et note :
- « un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée, ayant un objet ou pouvant avoir un effet probatoire, peut constituer un faux même s’il n’est pas exigé par la loi ou n’est pas nécessaire d’après les statuts de l’association » ;
- le délit de faux n’implique pas que le document falsifié crée le droit qu’il atteste ;
- le préjudice causé par la falsification d’un écrit peut résulter de la nature même de la pièce falsifiée : l’altération de procès-verbaux d’assemblée générale ou de réunion d’une association est de nature à permettre de contester la régularité ou les pouvoirs d’un de ses organes.
 
 
Source : Actualités du droit