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Point de départ de l’action en responsabilité du notaire

Civil - Contrat
27/09/2021
La prescription ne peut courir à la date de la réitération d’une vente immobilière si les vendeurs sont à ce moment-là en état de sujétion psychologique.
L’action en responsabilité exercée contre un notaire est soumise au délai de droit commun de cinq ans (C. civ., art. 2224). Ce délai ne court pas ou est suspendu contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure (C. civ., art. 2234). C’est ainsi que la Cour de cassation, dans une affaire jugée le 16 septembre 2021, fait application de la force majeure à une vente non librement consentie en raison de la situation de faiblesse des vendeurs.
 
Faits et procédure. – Dans cette affaire, les consorts V. vendent un immeuble à une société par acte notarié du 8 juillet 2008. Par arrêt définitif du 4 juin 2013, M. T. a été condamné à dix ans d’emprisonnement pour s’être rendu l’auteur, entre le 1er janvier 1999 et le 21 octobre 2009, à leur préjudice, d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse des victimes en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer leur jugement pour les conduire à des actes gravement préjudiciables pour elles, en l’espèce, le détournement de leur épargne et la cession de leurs actifs immobiliers. Par acte du 9 décembre 2014, les consorts V., soutenant avoir été sous l’emprise de M. T. lors de cette vente, assignent les notaires en paiement de dommages-intérêts, sur le fondement de leur responsabilité délictuelle.
 
Leur action est déclarée irrecevable comme prescrite par les juges du fond. Le point de départ de la prescription prévue à l’article 2224 du Code civil était, selon eux, le 8 juillet 2008, les consorts V. ayant eu connaissance de la réalisation du dommage à cette date, pour se terminer le 8 juillet 2013. La cour d’appel ajoute qu’à compter du 12 décembre 2009 et a fortiori de juin 2011, « ils ne pouvaient plus soutenir l’existence d’un événement insurmontable caractérisant une situation de force majeure, telle que requise par l’article 2234 du Code civil », et les ayant empêchés d’introduire l’action en responsabilité dans le délai de cinq ans, qui n’expirait que le 8 juillet 2013.
 
Les vendeurs se pourvoient en cassation, faisant grief à l’arrêt attaqué de déclarer leur action prescrite. Ils invoquent la force majeure, l’emprise psychologique à laquelle ils étaient soumis. Leur discernement était aboli, ils ne connaissaient pas et ne pouvaient pas connaître les faits leur permettant d’agir en justice, puisqu’ils n’avaient pas eu et ne pouvaient avoir eu, en particulier, la révélation de leur dommage.
 
Solution. – L’arrêt est cassé au visa de l’article 2234 du Code civil. « Il n’était pas discuté par les parties que les consorts V. étaient, au moment de la réitération de l’acte de vente du 8 juillet 2008, dans un état de sujétion psychologique, ce dont il résultait que la prescription n’avait pas pu commencer à courir à cette date ». La cour d’appel a violé le texte susvisé.
 
Cette jurisprudence rappelle, s’il en était besoin, que le notaire, outre ses obligations de conseil, se doit de vérifier que les parties ont librement consenti à la vente.
 
Source : Actualités du droit