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Temps de déplacement des salariés itinérants : la Cour de cassation s'aligne sur la jurisprudence de la CJUE

Transport - Route
30/11/2022
Eu égard à l'obligation d'interprétation des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du Code du travail à la lumière de la directive 2003/88, la Cour de cassation, dans un arrêt du 23 novembre 2022 promis à publication, considère désormais que lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif, ils ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du Code du travail.
Les temps de déplacement des salariés itinérants constituent-ils du temps de travail effectif pris en compte dans le calcul de la rémunération ?

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé que le temps de déplacement des salariés sans lieu de travail fixe ou habituel effectué entre le domicile et le premier ou dernier client de la journée constitue du « temps de travail » au sens de l'article 2 de la directive 2003/88 du 4 novembre 2003 (CJUE, 10 sept. 2015, n° C-266/14).

La Cour de cassation a considéré pour sa part que le mode de rémunération des travailleurs, dans une situation dans laquelle les travailleurs n'ont pas de lieu de travail fixe ou habituel et effectuent des déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier clients désignés par leur employeur, relève des dispositions pertinentes du droit national et qu'en application de l'article L. 3121-4 du Code du travail, le temps de déplacement qui dépasse le temps normal de trajet, qui n'est pas du temps de travail effectif, doit faire l'objet d'une contrepartie, soit sous forme de repos, soit sous forme financière (Cass. soc., 30 mai 2018, n° 16-20.634, Bull. 2018, V, n° 97).

Durcissant le ton, la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé, dans l'arrêt du 9 mars 2021 (CJUE, 9 mars 2021, n° C-344/19), que « les notions de "temps de travail" et de "période de repos" constituent des notions de droit de l'Union qu'il convient de définir [...] en se référant au système et à la finalité de la directive 2003/88/CE », estimant que « les États membres ne sauraient déterminer unilatéralement la portée de [ces] notions », concluant que « Toute autre interprétation tiendrait en échec l'effet utile de la directive 2003/88/CE et méconnaîtrait sa finalité ».

Eu égard à l'obligation d'interprétation des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du Code du travail à la lumière de la directive 2003/88/CE, la Cour de cassation, dans un arrêt du 23 novembre 2022 promis à publication, considère désormais que « lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu'elle est fixée par l'article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du même code. »

Dans cette affaire, au cours de ses trajets avec le véhicule mis à sa disposition par l'employeur, le salarié exerce ses fonctions commerciales habituelles à l’aide de son téléphone professionnel en kit main libre. Il profite de ses déplacements entre son domicile et les sites des premier et dernier clients pour fixer des rendez-vous, appeler et répondre à ses divers interlocuteurs professionnels, sans que ces temps ne soient rémunérés.

Or, la cour d'appel ayant fait ressortir que pendant ces temps là, le salarié devait se tenir à la disposition de l'employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles, la Cour de cassation a décidé à bon droit que ces temps devaient être intégrés dans son temps de travail effectif et rémunérés comme tel.
Source : Actualités du droit