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Contrôle des transports terrestres : l'UNSA-SAFACTT alerte sur l’urgence à agir

Transport - Route
20/01/2023
Effectifs insuffisants, disparités des contrôles entre DREAL, absence de directives nationales pour le Paquet Mobilité ; le syndicat autonome des fonctionnaires et agents chargés du contrôle des transports terrestre affilié à l’UNSA Développement durable (UNSA-SAFACTT) alerte sur l’urgence à agir. Son secrétaire général, Emmanuel Put, déplore un constat d’échec édifiant et envisage des actions nationales.  
Bulletin des transports : Pourquoi attirer encore une fois l’attention sur la situation des contrôleurs des transports terrestres ?
Emmanuel Put : Le point de départ, c’est que les gendarmes et les policiers ne disposent plus du logiciel pour lire les données sociales des chronotachygraphes et effectuer les contrôles des véhicules lourds. Le ministère de la Transition écologique a lancé un appel d’offres et a choisi un nouveau fournisseur de logiciels pour lire ces données, ce qui a engendré des coûts importants. Le ministère de l’Intérieur n’a pas souhaité investir dans ce nouvel outil et a demandé que celui des Transports lui fournisse gratuitement le logiciel et les licences. Cela n’a pas été possible. Résultat, les DREAL sont les seules à effectuer les contrôles terrestres des véhicules lourds en France. Les forces de l’ordre sont toujours habilitées mais ne réalisent plus de contrôles ciblés de poids lourds ou des contrôles d’opportunité en patrouille.

BTL : En quoi le transport routier de marchandises est-il devenu le parent pauvre des contrôles ?
E. P. : Au regard du poids économique et social du transport routier de marchandises (1), le nombre d’agents affectés au contrôle de ce secteur d’activité est largement insuffisant. D’après nos estimations, nous comptabilisons 430 Secrétaires d’administration et de contrôle du développement durable (SACDD) spécialité « contrôle des transports terrestres » sur l’ensemble du territoire. C’est un chiffre UNSA-SAFACTT car l’administration reste muette malgré nos multiples demandes. Il faudrait recruter 30 à 40 % de contrôleurs supplémentaires, soit 50 à 80 agents à temps plein ! À titre comparatif, la Roumanie dispose de 400 contrôleurs !

BTL : Cela fait des années que vous alertez sur ce risque. Pourquoi n’êtes-vous pas entendus ?
E. P. : Nous avons plusieurs propositions pour éviter la jungle et des situations de concurrence déloyales de plus en plus marquées. Cela passe par un recrutement massif (2) mais aussi par une réorganisation nationale des activités de contrôle. Chaque DREAL mène aujourd’hui sa propre politique de contrôle sur son territoire sans appui ni directives nationales. Cela conduit à des applications hétérogènes d’une DREAL à l’autre et à une iniquité de traitement pour les contrôlés.  Nous proposons la création d’une entité, qui serait un bureau national du contrôle avec un pilotage sous l’égide de la DGITM. Cette structure aurait la main sur l’organisation, les ressources humaines et le budget de tous les contrôleurs de France. Pour l’heure, c’est silence radio. L’administration centrale nous indique que cela n’est pas de son ressort et qu’elle n’est pas décisionnaire. Seule avancée, nous devrions rencontrer prochainement le DRH du ministère, Jacques Clément.  

BTL : En l’absence de notes de cadrage, comment appliquez-vous le Paquet Mobilité ?
E. P. : Nous étions habitués à recevoir des directives de l’administration centrale des transports en matière d’objectifs et d’orientation de contrôle. Nous sommes mi-janvier et rien ne vient. Des dizaines de questions sur l’application du Paquet Mobilité se posent, en particulier sur les nouvelles règles de cabotage. D’accord, la définition n’a pas changé mais comment appliquer le délai de carence ? À partir de quand faut-il le calculer ? Quand s’arrête-t-il ? La prise en compte des week-end en modifie-t-elle ou non le calcul ? Dans le doute, on s’abstient et nous ne verbalisons pas les transporteurs. Le sentiment de frustration est fort car nous avons l’impression de ne pas bien faire notre travail.
Autre exemple, le code pénal a été modifié en 2018 et a prévu qu’un certain nombre de délits pouvaient être forfaitisables, notamment les infractions à la réglementation sociale européenne comme la conduite sans carte. L’arrêté d’application n’est toujours pas publié et nous n’avons aucun texte pour appliquer le droit. Le pire, c’est que nous avons fait remonter cette problématique à l’administration qui n’en avait pas conscience !
Sur le détachement, enfin, le nouveau formulaire doit être créé à l’aide d’une nouvelle application pour vérifier que les documents présentés sont de véritables attestations de détachement. Le hic c’est que nous n’avons pas d’accès à cette application. Et nous n’avons pas les moyens d’enquêter pour savoir si le taux horaire appliqué au conducteur routier est bien celui du pays dans lequel est établi l’employeur.

BTL : Que comptez-vous faire dans ces conditions ?
E. P. : Nous avons informé Clément Beaune par courriel, le 21 décembre. Faute d’un dialogue constructif, nous envisageons des actions nationales face à un constat d’échec édifiant. Le cabinet Beaune nous indique de prendre attache avec la DGITM. C’est totalement délirant ! Nous ne sommes pas optimistes car certains opérateurs étrangers gagnent des trafics sur des marchés régionaux. Or, la régulation des flux passe aussi par la protection du pavillon français.

(1) 57 000 entreprises de transport routier en France ; 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires ; 437 000  salariés dont 75 % de conducteurs ; un taux de pénétration du cabotage en France de 7,5 % en 2021.
(2)  La dernière promotion ne compte que 12 futurs contrôleurs des transports terrestres, ce qui ne comble pas les départs.

Propos recueillis par Louis Guarino
Source : Actualités du droit