Retour aux articles

Présidentielle 2017 - Marine Le Pen, candidate du FN : « Notre justice doit s'engager dans un vaste élan de modernisation »

Pénal - Vie judiciaire
20/04/2017
Modernisation de la justice, revalorisation de l'aide juridictionnelle, suppression de l’École Nationale de la Magistrature, construction de 40 000 places de prison, rétablissement des peines planchers… La candidate du Front national détaille, pour Actualités du droit, ses propositions en matière de justice.
Actualités du droit : Quels moyens et quelles solutions comptez-vous mettre en œuvre pour améliorer le fonctionnement de la justice ?

Marine Le Pen : La justice a été sacrifiée ces dernières années, tant sur le plan moral que financier. La France consacre, parmi les pays développés, l'un des plus faibles budgets par habitant à la justice. Je propose donc de mettre fin à cette situation. Pour remettre la France en ordre, nous aurons besoin d'une justice efficace, qui applique réellement les lois et traite rapidement les contentieux. C'est aussi une des conditions de la confiance des citoyens envers leur système judiciaire.
Sur le plan matériel et financier, je propose donc de : rattacher l'administration pénitentiaire au ministère de l'Intérieur afin de gagner en efficacité et de recentrer la Justice sur le rendu de décisions et l'application de la loi ; augmenter le nombre de postes de magistrats, notamment par le recrutement au tour extérieur. Par ailleurs, je remplacerai l'École Nationale de la Magistrature par une filière de formation commune aux carrières judiciaires (avec des écoles d'application) ; suite à la réforme institutionnelle que j'engagerai et qui supprimera notamment les intercommunalités et les conseils régionaux, je réaffecterai certains de ces fonctionnaires au ministère de la Justice afin qu'ils libèrent les magistrats du travail administratif. Le métier de greffier sera revalorisé et les conditions de travail modernisées.
Notre justice doit s'engager dans un vaste élan de modernisation. L'informatisation et la publication numérique des décisions seront progressivement généralisées. Mais je pense qu'il faut accélérer le mouvement : la justice doit pouvoir être (en matière civile) saisie via un portail internet unique, géré par le ministère de la Justice.Ce mode de saisie ne sera pas le seul car je pense notamment aux personnes âgées qui ne sont pas toujours équipées numériquement.  
Je pense que la justice ne peut être efficace que si elle est rendue au plus près des citoyens. C'est une question d'égalité des justiciables. Je refuse que des mesures d'économie soient prises aux dépens des principes fondamentaux qui sont les piliers de notre République. La réforme de la carte judiciaire menée sous François Fillon a été à cet égard une véritable catastrophe.
Je veux garantir l'égal accès aux services publics sur tout le territoire et notamment en milieu rural (engagement numéro 138 de mon projet présidentiel). Je m'oppose donc à toute nouvelle fermeture de TGI ou de Cour d'Appel et j'en rouvrirai là où la proximité entre l'institution judiciaire et les citoyens n'est plus garantie.
 
AdD : Quelles sont vos propositions pour améliorer l’aide juridictionnelle, gage d’accès à la justice pour de nombreux citoyens ?

M. L. P. : La juste rémunération des avocats des personnes bénéficiant de l'aide juridictionnelle est en effet une question importante et je m'engage à mener une discussion avec eux pour la revaloriser. L’accès à l'aide juridictionnelle a également été rendu plus difficile par le gouvernement Fillon. Or, l'accès à la justice est crucial dans une démocratie. Je me suis engagée à augmenter les moyens de la justice et le budget consacré à l'aide juridictionnelle sera augmenté en conséquence. Je suis favorable à ce que l'on relève le plafond de revenus pour avoir droit à l'aide juridictionnelle (actuellement 1 007 € mensuel par foyer) afin que plus de nos compatriotes y aient accès. C’est une condition nécessaire pour améliorer l’accessibilité de la justice. Je ne taxerai pas les actes juridiques pour financer cette mesure car cette taxation entraverait l'accès à la justice. Mais j'entends bien lutter contre les abus par la création d'une carte d'aide juridictionnelle, qui permettra un meilleur suivi des affaires par le greffe et le barreau.
 
AdD : Comptez-vous réformer le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) de manière à garantir l'indépendance des magistrats du parquet vis-à-vis de l'exécutif ?

M. L. P. : Le problème est plutôt celui de la partialité de certains magistrats, qui ne satisfont plus de cette manière le critère d'indépendance. La politisation de certains magistrats n'est donc pas acceptable. J'ai donc pris des engagements très forts pour renforcer l'impartialité ; engagements qui me semblent plus efficaces que la mesure que vous suggérez : un renforcement général des moyens consacrés à la justice par l'augmentation du nombre de postes de magistrats, notamment par un recrutement au tour extérieur et par une augmentation du budget ; afin de rompre avec la culture du laxisme, suppression de l’École nationale de la magistrature et création d'une filière de formation commune aux carrières judiciaires (avec des écoles d’application).
 
 AdD : Quelles mesures prévoyez-vous de mettre en place pour réduire la population carcérale et mieux prévenir la récidive, plus particulièrement des jeunes délinquants ?

M. L. P. : Mon objectif est bien d’assurer l’effectivité des peines rendues par la justice. Le stock de peines non-réalisées explose d’année en année : plus de 100 000 peines n’ont ainsi pas été exécutées à ce jour. C’est un très mauvais signal envoyé aux délinquants et à ceux qui s’affranchissent des lois. Je veux rendre la France plus sûre. Je propose donc un vaste plan de construction de 40 000 places de prison, afin que les peines soient réellement exécutées et l’encellulement individuel facilité. C’est un effort sans précédent, maintes fois promis mais jamais réalisé. Je réarmerai massivement nos forces de l’ordre, tant en personnels (avec le recrutement de 15 000 policiers et gendarmes, suite aux importantes suppressions de postes sous François Fillon) qu’en matériel afin de leur donner de vrais moyens d’actions (modernisation des équipements, des commissariats, des casernes, adaptation des armements aux nouvelles menaces).
J’appliquerai également la tolérance zéro et j’en finirai avec le laxisme judiciaire. Les aménagements de peines ne sont pas la bonne solution : j’abrogerai les lois pénales laxistes, je rétablirai les peines planchers et je supprimerai les remises de peine automatiques. Je lutterai contre la délinquance des mineurs en responsabilisant les parents par la suppression des aides sociales aux parents de mineurs récidivistes en cas de carence éducative manifeste.
J’instaurerai une peine de prison de perpétuité réelle incompressible pour les crimes les plus graves. Je rétablirai enfin l’expulsion automatique des criminels et des délinquants étrangers et je mettrai en place des accords bilatéraux permettant que les étrangers condamnés purgent leur peine dans leur pays d’origine.

Propos recueillis par Cécilie Blanc
Source : Actualités du droit