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CEDH : condamnation disproportionnée d'une journaliste ayant publié un article au sujet d'une militante des droits de l'Homme

Pénal - Droit pénal spécial
Affaires - Immatériel
21/04/2017
La condamnation pour injure d'une journaliste ayant publié un article comportant une phrase sans guillemets tirée de l'article d'un autre auteur, alors que cette phrase ne représente pas l'opinion personnelle de la journaliste qui ne fait que rapporter la manière dont est perçue une militante des droits de l'Homme connue, constitue une violation du droit à la liberté d'expression tel que protégé par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH)
 
Telle est la solution énoncée par la Cour européenne des droits de l'Homme dans un arrêt de chambre rendu le 4 avril 2017.Dans cette affaire, à l'époque où la coopération des autorités serbes avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ("le TPIY") faisait l'objet d'un débat public virulent, un article avait été publié dans un grand quotidien serbe. L'article faisait état d'une grande animosité envers Mme K., une militante des droits de l'Homme connue, en raison des efforts qu'elle déployait pour enquêter sur les crimes commis par les forces serbes dans le cadre des conflits armés qui avaient frappé l'ex-Yougoslavie, ainsi que du fait qu'elle faisait partie des défenseurs les plus actifs d'une coopération totale avec le TPIY. Après la publication de l'article, Mme K. avait engagé des poursuites privées contre Mme M., l'auteure de l'article, lui reprochant d'avoir écrit l'article pour la dépeindre comme une traître à la Serbie.
 
Les juges nationaux avaient reconnu Mme M. coupable de l'infraction pénale d'injure et lui avaient adressé un avertissement judiciaire. Ils avaient jugé, notamment, que même si la phrase en question ("Mme K. a été traitée de sorcière et de prostituée") avait été publiée précédemment dans un magazine différent dans un article écrit par un autre auteur, en ne la mettant pas entre guillemets, Mme M. l'avait tacitement fait sienne. Invoquant une violation de son droit à la liberté d'expression, Mme M. a alors saisi la Cour européenne des droits de l'Homme, se plaignant ainsi de sa condamnation pénale et alléguant que celle-ci avait causé son licenciement du quotidien.
Pour conclure à la violation de l'article 10, la Cour énonce la solution précitée et considère en outre que les tribunaux nationaux ont limité leur raisonnement à l'absence de guillemets et n'ont pas du tout mis en balance le droit de Mme K. à la protection de sa réputation avec la liberté d'expression de Mme M. et le devoir de cette dernière, en tant que journaliste, de communiquer des informations d'intérêt général.
 
Par June Perot
 
Source : Actualités du droit