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Retrait puis rétablissement de l’aide juridictionnelle : quid de la convention d’honoraires d’avocat ?

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
21/10/2019
Quel montant touchera l'avocat entre celui mentionné dans la convention d'honoraires et celui issu d'une aide juridictionnelle rétablie par ordonnance rectificative ? La cour d'appel de Paris a tranché pour la seconde hypothèse. 
Un justiciable signe une convention d'honoraires d'avocat avant de toucher l'aide juridictionnelle qui lui sera retirée puis redonnée. Que faire dans ces situations ? 

Aide juridictionnelle ou convention d’honoraires d’avocats ? .– En vertu de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’aide juridictionnelle prime sur toute convention d’honoraires. Comme indiqué à l’article 36 de cette loi, l'avocat peut cependant demander des honoraires à son client après que le bureau d'aide juridictionnelle a prononcé le retrait de l'aide juridictionnelle.

La Cour de cassation a déjà estimé que la convention d'honoraires intervenue entre l'avocat et son client avant que ce dernier n'obtienne l'aide juridictionnelle retrouve son plein effet en cas de retrait de celle-ci. Le seul fait pour l'avocat d'accepter de défendre les intérêts de son client au titre de l'aide juridictionnelle obtenue en cours de procédure ne caractérise pas une volonté claire et univoque de renoncer au bénéfice de la convention préalable (Cass, 2e civ, 28 avr. 2011, n° 10-15.477). Encore faut-il que l’aide juridictionnelle ne soit pas rétablie. 

Procédure de retrait et de rétablissement de l’aide juridictionnelle. –  Cette question, et plus particulièrement la notification de la décision de rétablissement de l'aide juridictionnelle, fait l’objet d’un arrêt récent.

En l’espèce, un client se fait assister d’un avocat pour un litige l’opposant à Apple. Il demande l’aide juridictionnelle pour que l’avocat l’assiste devant le tribunal de grande instance mais signe, en même temps, une convention d’honoraires de 4 680 euros TTC ayant vocation à s’appliquer en cas de retrait de l’aide juridictionnelle. Le client reçoit 14 000 euros à la suite du jugement, l’aide juridictionnelle est retirée et l’avocat lui demande de régler ses honoraires sur la base de la convention.

Rappelons que l’article 50 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique précise en effet que l’aide juridictionnelle peut être retirée :

« 1° S'il survient au bénéficiaire, pendant cette instance ou l'accomplissement de ces actes, des ressources telles que si elles avaient existé au jour de la demande d'aide juridictionnelle, celle-ci n'aurait pas été accordée ;

2° Lorsque la décision passée en force de chose jugée a procuré au bénéficiaire des ressources telles que si elles avaient existé au jour de la demande d'aide juridictionnelle, celle-ci ne lui aurait pas été accordée ; ».

Le client refusant de régler le montant indiqué sur la convention d’honoraires, l’avocat saisit le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris. Ce dernier enjoint au client de régler les  4 680 euros TTC.  Par ordonnance rectificative, l’aide juridictionnelle est finalement rétablie.

L’affaire est finalement portée devant la cour d’appel de Paris. Le client sollicite la réformation de la décision du bâtonnier intervenue avant l’ordonnance rectificative au motif que la contribution reçue au titre de l'aide juridictionnelle totale est exclusive de toute autre rémunération. Il demande en outre la restitution de la somme versée.

L’avocat argue qu’il a accepté d’assister son client au titre de l’aide juridictionnelle mais que dans le cas où l’issue du procès serait favorable, il solliciterait un retrait de l’aide juridictionnelle et le versement d’honoraires forfaitaires. En outre, l’avocat n’a pas été présent à la procédure de rétablissement de l’aide juridictionnelle et l’ordonnance ne lui a pas été notifiée. La décision ne lui serait donc pas opposable.

La cour d’appel de Paris devait ainsi déterminer s’il fallait reconnaître l’aide juridictionnelle ou faire application de la convention d’honoraires d’avocat. Elle se prononce en outre sur la notification à l’avocat de la décision de rétablissement de l’aide juridictionnelle.

Pour répondre, les magistrats se fondent sur les articles 50 et 51 de la loi du 11 juillet 1991 relative à l’aide juridique qui détaillent les conditions du retrait de l’aide. Est également mentionné le décret d’application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 relatif à l’aide juridique.

Selon la cour, « il résulte de ces dispositions que l'aide juridictionnelle ne peut être retirée que par une décision du bureau d'aide juridictionnelle au terme d'une procédure contradictoire, la décision de retrait étant en outre susceptible de recours ». De plus, « les décisions du bureau d'aide juridictionnelle sont notifiées à l'intéressé, et les décisions prononçant l'admission à l'aide juridictionnelle sont notifiées à l'avocat ». 

Restait à constater si la décision avait été régulièrement notifié à l'avocat. En l’espèce, « il ressort expressément de l'ordonnance rectificative du 18 décembre 2015 produite aux débats, qu'un recours a été formé le 12 mars 2015 à l'encontre de la décision du BAJ du 22 janvier 2015 ayant décidé le retrait du bénéfice de l'aide juridictionnelle accordée (au client) ; il ressort également de cette décision, que le recours a été porté conformément aux textes précités devant la magistrate, agissant par délégation du premier président et qu'il a été statué par voie d'ordonnance. S'il est exact que cette ordonnance ne mentionne pas (l’avocat) en qualité de partie, cette ordonnance vise bien la décision du 22 janvier 2015, sur laquelle elle est mentionnée, ainsi que le numéro BAJ, de sorte qu'il n'est pas établi que cette décision ne lui a pas été régulièrement notifiée ».  

Par conséquent, le client « qui bénéficie par conséquent de l'aide juridictionnelle totale, ne doit payer aucun honoraire » à son avocat.

L’ordonnance du bâtonnier est infirmée. Partant, si la procédure de retrait de l’aide juridictionnelle est régulière et que la décision ordonnant son rétablissement a bien été notifiée, il n’est plus possible pour l’avocat de se fonder sur la convention d’honoraire antérieurement conclut. 

 
Source : Actualités du droit