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Covid-19 et prison : la situation continue d’inquiéter

Pénal - Peines et droit pénitentiaire
29/04/2020
Plus de 11 500 détenus ont été libérés depuis le début du confinement annonce la ministre de la Justice. Toutefois, l’inquiétude demeure chez les professionnels, notamment chez les avocats qui ont saisi la justice pour obtenir la désignation d’experts vérifiant la réalité des conditions de détention. 
Nicole Belloubet a annoncé mercredi 29 avril 2020 que le nombre de détenus a diminué de 11 500 depuis le 16 mars, faisant chuter le taux de population carcérale en dessous de 100 %. Plus précisément, elle indique que « nous comptons 61.100 détenus, à la date du 23 avril, pour 61.109 places » (Le Monde, 29 avr. 2020). Précisant alors que cette diminution est due d’une part aux mesures prises pour lutter face à l’épidémie Covid-19 et d’autre part à la baisse de la délinquance et celle de l’activité des juridictions.
 
En réaction, la directrice de la section française de l’Observatoire international des prisons, Cécile Marcel, salue auprès de l’AFP « une situation inédite » mais « s’inquiète d’une remontée en flèches des incarcérations » lorsque les juridictions reprendront le travail (AFP, 29 avr. 2020). Des craintes fondées puisque rappelons que la France a été condamnée le 30 janvier 2020 par la Cour européenne des droits de l’Homme concernant les conditions de détention (v. Surpopulation carcérale : la France épinglée par la CEDH, Actualités du droit, 6 févr. 2020).
 
D’autant plus que le taux d’occupation semble inégalitaire en fonction des maisons d’arrêt, comme le souligne l’Observatoire le 27 avril :
- Villepinte 143% ;
- Bois d'Arcy 146 % ;
- Meaux 157 % ;
- Nanterre 139 % ;
- Fresnes 124% chez les hommes, 138 % chez les femmes ;
- Osny 120 %.
 
 
Priorité immédiate : l’encellulement individuel
Pourtant l’objectif des professionnels, à l’instar d’Adeline Hazan, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, est l’encellulement individuel (v. Covid-19 et détention : des mesures jugées insuffisantes, Actualités du droit, 16 avr. 2020). Cette mesure est sollicitée depuis le début du confinement, et même avant la crise sanitaire puisqu’elle souligne, lors d’un webinar Juri-Covid-19 organisé par le Club des juristes le 8 avril, que c’est un principe prévu par la loi depuis 1875.
 
Objectif repris par un député qui a interrogé la garde des Sceaux le 28 avril 2020 sur la situation carcérale (QE n° 28925, JO AN Q. 28 avr. 2020). Il précise que « la crise du coronavirus vient mettre en lumière la situation désastreuse dans les prisons où les détenus vivent sans masques, sans gants, sans gel hydroalcoolique et entassés parfois à plusieurs dans 9 mètres carrés ». Et assure en plus que « la crainte liée au coronavirus rend la situation dans les prisons très instable et les risques de mutineries ne sont pas qu'hypothétiques ». 
À noter sur ce point qu’un incident a eu lieu ce 29 avril dans la prison de Fleury-Mérogis, 46 détenus refusant de réintégrer leurs cellules (Actupénit.com, 29 avr. 2020).
 
Alors comment limiter la population carcérale, garantir les impératifs sanitaires, la protection du personnel pénitentiaire et la sécurité des français ?
 
 
Un contrôle des conditions en détention attendu
Du côté des professionnels, le Syndicat des avocats de France a annoncé le 27 avril 2020 le lancement d’une campagne contentieuse pour obtenir du juge administratif la désignation d’experts chargés de vérifier la réalité des conditions en détention dans 25 établissements cibles. Il rappelle que « la sur-occupation carcérale limite l’espace de vie réservé à chaque détenu et engendre une promiscuité privant de tout effet les règles de distanciation sociale et les gestes barrières ».
 
L’objectif du dépôt massif de requêtes en référé-constat ? « Une perspective d’engagement de la responsabilité de l’État, qui devra répondre des atteintes graves et persistantes aux droits fondamentaux des personnes détenues pendant l’état d’urgence sanitaire (limitation des déplacements, suppression des activités, suspension des parloirs famille, etc.) ».
 
Des réponses sont alors attendues, tant sur la situation exceptionnelle actuelle que sur la reprise de l’activité judiciaire.
 
 
Source : Actualités du droit