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Loyauté et légalité de la preuve : quid du secret des sources des journalistes ?

Pénal - Procédure pénale
04/12/2020
Dans un arrêt du 1er décembre 2020, la Cour de cassation rappelle que l’obligation de légalité et de loyauté dans le recueil des preuves ne pèse que sur les autorités publiques. Ainsi, le versement au dossier d’éléments de preuve remis par des journalistes ne saurait être déclaré irrégulier au seul motif que les conditions de recueil sont restées incertaines. 
Le 1er mai 2018, une vidéo filmée montrant un homme recevant des coups de la part d’un autre, porteur d’un casque siglé CRS, dont le journal Le Monde indiquait, le 18 juillet 2018, qu’il s’agissait de l’adjoint au chef de cabinet du président de la République, a été diffusée sur les réseaux sociaux. Ce dernier est mis en examen et placé sous contrôle judiciaire avec notamment l’interdiction d’entrer en relation avec les quatre autres mis en examen, parmi lesquels un gendarme réserviste qui était présent lors des faits sans y avoir été autorisé.
 
Le 31 janvier 2019, Médiapart publie un article révélant l’existence d’une rencontre entre ces deux hommes avec des extraits sonores de conversation. Les journalistes ont accepté de remettre aux enquêteurs les originaux des fichiers audio, lesquels ont fait l’objet d’une transcription, mais ont invoqué le droit à la protection de leurs sources s’agissant des conditions dans lesquelles ils étaient entrés en possession desdits enregistrements.
 
Un rapport du service central de la police technique et scientifique conclut que les enregistrements litigieux ont été édités par un logiciel en libre accès sur internet, mais il n’y a aucun élément sur l’origine des enregistrements litigieux.
 
Quelques mois plus tard, l’adjoint saisit la chambre de l’instruction d’une requête en nullité visant, notamment, le procès-verbal de versement de ces enregistrements à la procédure.
 
La cour d’appel écarte le moyen de nullité, « les impératifs de loyauté et de légalité de la preuve ne s’appliquent pas aux journalistes, qui sont des personnes privées, tiers au procès, et que l’impossibilité de connaître l’origine des enregistrements sonores met en cause, non pas la régularité de la procédure, mais le contrôle de la valeur probante de ceux-ci ».
 
Le mis en examen forme un pourvoi en cassation. Il soutient que, ni le mode de captation, ni l’auteur ne sont connus, ce qui empêche l’appréciation de sa légalité et de sa conformité au principe de loyauté.
 
La Haute juridiction le rejette. Elle affirme que « Si la circonstance que les enregistrements litigieux ont été remis aux enquêteurs par des journalistes ne saurait en elle-même conduire à exclure que l’autorité publique, sur qui seule pèse une obligation de légalité et de loyauté dans le recueil des preuves, ait concouru à la réalisation de ces enregistrements, l’arrêt n’encourt pas pour autant la censure ».
 
En effet :
- il résulte des pièces de la procédure que des investigations ont été conduites pour déterminer l’origine de ces enregistrement et il n’a pas été soutenu qu’elles étaient incomplètes ;
- le versement au dossier d’éléments de preuve ne saurait être déclaré irrégulier au seul motif que les conditions de leur recueil sont restées incertaines.
 
 
 
Source : Actualités du droit